MARC FISHER

 

Je suis né un vendredi 13 mars, 1953, deuxième enfant d’une famille de six. Entre trois sœurs, un père fiscaliste qui m’adorait, et une mère, conteuse née, pour qui nous étions toute sa vie, j’ai vécu, dans la petite banlieue de Duvernay, une enfance sans histoire.

 

Je veux dire parfaitement heureuse, faite d’amitiés, de jeux, de sport : je ne me rappelle pas avoir jamais marché d’un lieu à l’autre. Je courais toujours, impatient depuis ma naissance. Ma mère dit qu’elle dut se serrer les jambes pour que je ne voie pas le jour dans un taxi!

 

Si je ne courais pas vers mes amis adorés, je filais, nez au vent, cœur léger, sur ma bicyclette CCM rouge aux glorieuses guirlandes blanches. Enfance bénie donc, mais aussi bien vite studieuse, car orgueilleux, je voulais complaire à mon père et arriver toujours premier de ma classe, surtout au collège Saint-Ignace.

 

Car lorsque j’arrivais deuxième, le paternel me demandait, le plus sérieusement du monde : « Qui est arrivé premier? » Je m’arrangeais pour que ça ne m’arrive pas trop souvent. Un peu mystérieusement, j’eus très jeune la conviction que je « vivrais de mon esprit », sans que je puisse savoir de quoi il s’agissait au juste.

 

Ma mère raconte que, enfant, je singeais mon père en me promenant dans la maison avec son courrier : j’étais déjà homme de lettres! À douze ans, à quatorze ans et enfin à quinze ans, je fus frappé de fièvres rhumatismales et longuement hospitalisé à Sainte-Justine, y faisant mon entrée triomphale en fauteuil roulant, vu l’enflure trop douloureuse de mes chevilles.

 

La troisième crise allait changer ma vie, car elle me laissa avec une insuffisance mitrale...

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